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Transatlantic Blog

Pauvretés, inégalités et redistribution

    Introduction

    « Eh bien, maintenant, les riches! Pleurez, hurlez sur les malheurs qui vont vous arriver.

    Votre richesse est pourrie, vos vêtements sont rongés par les vers.

    Votre or et votre argent sont rouillés, et leur rouille témoignera contre vous: elle dévorera vos chairs; c'est un feu que vous avez thésaurisé dans les derniers jours!

    Voyez: le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont fauché vos champs, crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du Seigneur des Armées.

    Ecoutez, mes frères bien-aimés: Dieu n'a-t-il pas choisi les pauvres selon le monde comme riches dans la foi et héritiers du Royaume qu'il a promis à ceux qui l'aiment?[1]

    La lecture de ces paroles de saint Jacques fait frémir. Elle peut donner envie de vendre nos biens, de tout donner aux pauvres pour aller mendier notre nourriture, vêtu d’une simple robe de bure, comme le poverello, saint François d’Assise.

    Une attitude aussi radicale procurerait des revenus immédiats aux pauvres et opérerait une redistribution des richesses. Mais si cette attitude était suivie sans discernement, de quoi le pauvre vivrait-il demain ? Et après-demain ? Passé le temps d’un sursis passager, le pauvre ne serait-il pas définitivement enfermé dans sa pauvreté ? De son côté Saint Paul dénonce dans des propos également spontanés l’assistance envers une pauvreté oisive : « si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus. »[2]

    Saint Jacques parle « d’or rouillé », mais comme chacun le sait, l’or est inoxydable. La rouille dont parle Jacques n’est peut être pas de l’oxyde de fer, mais la rouille spirituelle qui refroidit et paralyse un cœur qui n’est plus capable de s’ouvrir à la situation de ses frères et qui s’épargne la peine de chercher le bien commun. La vraie pauvreté, la pauvreté existentielle, c’est peut être la pauvreté spirituelle du riche, vêtu de pourpre et de lin fin qui faisait des festins, en édifiant un mur d’indifférence entre lui et le pauvre Lazare, qui gisait devant sa porte.[3]

    Qui a déjà connu la pauvreté sait qu’elle n’est pas enviable. Pourrait-elle d’ailleurs être désirée ? Dieu n’a-t-il pas promis à son peuple « un beau et vaste pays, (…) ruisselant de lait et de miel » ?[4] Qui s’est déjà efforcé d’entreprendre et de créer des richesses sait combien elles sont difficiles à créer, ardues à conserver, mais faciles à dilapider.

    Réfléchir sur le thème de la pauvreté et de la distribution des richesses fait pleinement partie de la doctrine sociale de l’Eglise, l’un des trésors trop peu connu de l’Eglise catholique, déjà présent dans la Révélation et la tradition, puis développé de manière spécifique dans le magistère à partir de l’encyclique Rerum novarum du Pape Léon XIII lors de la « question ouvrière » et du développement économique sans précédent qui émergea au 19e siècle.

    Le cœur de la doctrine sociale de l’Eglise, comme de toute action politique digne de ce nom, consiste à rechercher le bien commun, définit dans la constitution pastorale Gaudium et spes du Concile Vatican II comme :

    « cet ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée ».[5]

    Saint Jean Paul II nous a appelé à rechercher « le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous ».[6]

    Il ressort de ces textes que si l’Etat a évidemment son rôle à jouer dans la quête du bien commun, il n’en est pas le seul dépositaire, et que nous devons tous être personnellement impliqués.

    La doctrine sociale de l’Eglise comporte plusieurs clefs de voûte qui sont des valeurs sûres sur lesquelles nous pouvons appuyer notre réflexion : la dignité des personnes, la destination universelle des biens, l’option (ou l’amour) préférentielle pour les pauvres, le respect de la propriété privée, l’importance de l’accès au travail, la subsidiarité, le rôle des corps intermédiaires et enfin la recherche d’une paix fondée sur la justice.

    1. 1. Sommes-nous de retour au Jardin d’Eden ?      

    Un premier constat s’impose à nous. Au milieu d’actualités souvent alarmistes et de thèses apocalyptiques qui trouvent un public réceptif dans les médias, l’état du monde a de nombreuses raisons de nous porter à la joie et à l’optimisme.

    « Cieux, criez de joie ! Terre, exulte ! Montagnes, éclatez en cris de joie ! Car le Seigneur console son peuple ; de ses pauvres, il a compassion. »[7]

    La population mondiale n’a jamais été aussi importante. Elle est estimée avoir été de 190 millions de personnes à l’époque de Christ. Le milliard d’habitant a été atteint vers 1800. Depuis lors, la croissance démographique est fulgurante.

    Une croissance exponentielle de la population mondiale :[8]

    • 2 Mds en 1928
    • 3 Mds en 1960
    • 4 Mds en 1975
    • 5 Mds en 1987
    • 6 Mds en 1999
    • 7 Mds en 2011
    • 7,7 Mds en 2019
    Our World in Data.

    En l’espace de moins d’une vie humaine, la population mondiale a progressé plus vite que durant les millénaires qui séparent la création du monde du milieu du 20e siècle.

    Une chute de la mortalité infantile (Deaths under age 5 per 1,000 live births)[9]

    Le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans a considérablement décliné, passant de 22,5% en 1950 à 4.5% en 2015. En Afrique, la mortalité infantile est passée de 32% à 8% et en Europe, de 11% à 0,6%.

    Our World in Data, 2

     

    Un recul de l’extrême pauvreté

    A l’échelle du monde, il n’y a jamais eu aussi peu de pauvres, en proportion.

    Les taux de personnes dans le monde vivant dans l’extrême pauvreté, avec moins de 1,90$/jour (PPP 2011), a été divisé par 4 en 34 ans.[10]

    • 42% en 1981
    • 36% en 1990
    • 26% en 2002
    • 14% en 2011
    • 10% en 2015
    Extreme poverty

     

    De meilleures conditions de logement

    La part des personnes vivant dans des bidonvilles parmi la population urbaine dans le monde est baissée d’un tiers de 1990 à 2014.[11]

    • 47% en 1990
    • 40% en 2000
    • 35% en 2005
    • 30% en 2014
    Data

    https://data.worldbank.org/topic/poverty?end=2018&start=1960

    L’humanité n’a jamais vécu aussi longtemps

    L’espérance de vie à la naissance dans le monde n’a jamais été aussi importante et ne cesse de s’allonger au niveau mondial.[12]

    • 53 ans en 1960
    • 59 ans en 1970
    • 63 ans en 1980
    • 65 ans en 1990
    • 68 ans en 2000
    • 71 ans en 2010
    • 72 ans en 2017
    Life expectancy at birth.

    En l’espace de moins d’une vie humaine, l’espérance de vie à la naissance à l’échelle de la planète a progressé de 19 ans, ce qui correspond à une augmentation de la durée de vie de 36%. 

    Les personnes sont plus nombreuses, vivent plus longtemps et dans de meilleures conditions. Ce tableau encourageant serait-il assombrit par une hausse des inégalités ?

    Non. L’ONU a reconnu officiellement que les inégalités de revenu ont diminué tant entre les Etats qu’à l’intérieur des Etats.[13] Ceci est notamment dû à une croissance économique de pays comme la Chine, l’Inde ou le Brésil qui a été plus rapide que dans les pays les plus développés.

    Au niveau de la France, l’enquête de l’INSEE sur les revenus fiscaux permet d’observer qu’il y a eu une baisse des inégalités en France entre 1970 et 1990. Depuis la fin de la décennie 1990, les inégalités de niveau de vie sont relativement stables en France.[14] Elles sont inférieures à la moyenne de l’UE et à la moyenne des pays de la zone euro.[15] Depuis 1996, le niveau de vie du 1er décile (correspondant aux 10% des ménages les plus pauvres) a augmenté de 18,5%, soit légèrement plus que pour le niveau de vie médian (+17,3%) ou que le niveau de vie du 9e décile (+16,5%). Le ratio entre le revenu disponible (après impôt) des 20% les plus aisés et des 20% les moins aisés est stable depuis 2008 autour de 4,4.[16] De 2008 à 2015 le coefficient de Gini qui mesure les inégalités montre qu’elles ont légèrement diminué en France.[17] Une précaution en à prendre en lisant ces chiffres macroéconomiques qui masquent les parcours individuels qui se cachent derrière. En effet, un individu peut naître au sein d’un ménage aisé, tomber au bas de la distribution des revenus au début de sa carrière professionnelle et remonter progressivement vers la tranche de ménages la plus aisée. Les ratios inter-décile des statistiques officielles peuvent paraître stables sur une certaine période, mais au niveau individuel des personnes peuvent évoluer d’une tranche de revenu à une autre.

    Comme l’a montré l’économiste Christian Morrisson[18], l’écart de richesse en France a connu une baisse structurelle et très importante au long des 19e et 20e siècles. Tout esprit honnête est poussé à reconnaître que les inégalités en France sont considérablement plus faibles qu’elles ne l’étaient il y a plusieurs décennies et qu’à l’échelle de la planète les inégalités sont globalement en train de s’estomper.

    1. 2. Le paradis n’est pas pour cette vie…

    En dépit des observations qui précèdent, force est de constater qu’en ce monde nous ne sommes pas et ne parviendrons jamais à revenir par nous mêmes au jardin d’Eden. Jésus lui-même avait prévenu :

    « Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. »[19]

    Les idéologies qui prétendent éradiquer la pauvreté ont bercé d’illusions certains et fait mourir, notamment de faim, des millions d’autres.

    La pauvreté demeure une réalité. Elle concerne entre autres les revenus. Pour l’année 2017, le taux de pauvreté monétaire est de 14,0% pour la population française. 8,8 millions de Français vivent dans un ménage qui gagne moins de 1026 euros par mois.[20] La pauvreté touche particulièrement certains groupes sociaux, notamment un tiers des familles monoparentales (32,5%).[21]

    Un enfant sur cinq (19,8%) est élevé par un ménage pauvre. Cette proportion s’élève à 39,9% pour les familles monoparentales et même 78,7% pour les familles monoparentales dont le parent est chômeur. Au total, 2,8 millions d’enfants grandissent dans une pauvreté monétaire.

    La pauvreté concerne également le patrimoine. 10% des ménages français ont un patrimoine brut moyen (qui comprend des biens durables tels qu’une voiture, des équipements de la maison, des bijoux, des œuvres d’art et autres objets de valeur) de 2 000 euros. Le patrimoine brut moyen hors biens durables des 10% des Français les plus modestes est de 200 euros. 20% des ménages ont un patrimoine brut moyen de 7 800 euros et un patrimoine brut moyen hors biens durables de 1 700 euros.[22]

    La pauvreté concerne bien sûr l’accès à l’emploi. La France compte 5,6 millions de personnes inscrites à Pôle emploi, dont 3,4 millions sans activité professionnelle. 2,6 millions sont des demandeurs d'emploi depuis plus d’un an.[23]

    La pauvreté passe par la dépendance financière vis-à-vis d’aides publiques. 4,2 millions de Français sont allocataires d’un minimum social. En tenant compte des conjoints et des enfants à charge, environ 7 millions de personnes, soit 11 % de la population, sont couvertes par des minima sociaux.[24]

    En France le niveau de vie médian a diminué après la crise de 2008 et restait en 2015 inférieur au niveau d’avant crise.

    Mais les pauvretés ne sont pas que monétaires. Elles se trouvent également dans la situation physique des personnes. En France, près d’un quart des élèves de 3e (23%) souffre de surcharge pondérale ou d’obésité. La proportion s’élève à un tiers parmi les enfants d’ouvriers.[25] Parallèlement, 41% des enfants d’ouvriers ne prennent pas de petit déjeuner tous les jours.

    La pauvreté passe également par les conditions de logement. 15% des Français déclarent souffrir du froid dans leur logement.[26] 23,5% des Français vivent dans un logement avec au moins un défaut de qualité.[27]

    La pauvreté passe aussi par la non maîtrise de compétences de base nécessaires à la vie sociale et professionnelle. Ainsi, l’Agence Nationale de Lutte Contre l'Illettrisme compte 7 % de personnes en situation d’illettrisme parmi la population adulte âgée de 18 à 65 ans ayant été scolarisée en France, soit 2 500 000 personnes en métropole, plus que la population de la capitale.[28] Le test PISA qui évalue des adolescents de 15 ans au niveau international révèle que les adolescents Français sont légèrement au dessus de la moyenne des pays de l’OCDE pour les mathématiques, la lecture et les sciences, mais largement distancés, dans tous les domaines, par les jeunes Canadiens, Finlandais, Japonais ou Sud Coréens.[29]

    Dans un monde où la vie économique et sociale passe de plus en plus par les technologies de télécommunication, l’échange d’informations et de données, le manque d’accès à ces moyens de communication constitue une forme de pauvreté et d’exclusion. La part d’utilisateurs d’internet dans le monde est passée de 6,7% en 2000 à 48,6% en 2017.[30] De grandes disparités existent au niveau international, d’une part des pays sont presque unanimement connectés et d’autre part des populations ne font pas encore partie du continent numérique. 97% de la population du Danemark et 81% des Français utilisent internet. La proportion n’est que de 6% au Burundi ou 1% en Erythrée. Au sein de la France, entre 14% et 29% du territoire selon les opérateurs n’est pas couvert en 4G.[31] La fracture pour l’accès au numérique est également générationnelle et culturelle.

    Il existe également une forme de pauvreté sociale, à certains égards la plus profonde et qui peut impacter durablement la morale de la société. La famille est profondément en mutation. De 1950 à 2016, la population en France a augmenté de 54%. Dans le même temps, le nombre de mariages célébré a chuté de 31%. L’âge moyen au premier mariage pour les femmes est passé de 23,3 à 31,4 ans. Alors que le nombre de mariage a chuté, leur solidité s’est déchirée. Le nombre de divorce a été multiplié par 3,6, passant de 34 663 en 1950 à 124 768 en 2016. Aujourd’hui quasiment la moitié des mariages (46,7%) finissent en divorce.[32] En 1969, donc au lendemain de mai 68, 93,5% des enfants naissaient au sein de couples civilement mariés. Aujourd’hui l’essentiel des naissances (58,6%) arrivent hors mariage. L’indice de fécondité est passé de 2,93 enfants par femme en 1950 à 1,89 en 2016.[33]

    D’autres formes de pauvreté pourraient également être relevées, en premier lieu la pauvreté spirituelle. Peut-il y avoir plus grande pauvreté que de n’avoir pas rencontré le Christ et d’en avoir fait un ami intime, fréquenté chaque jour ? Pour la suite de notre propos, nous nous limiterons à aborder la pauvreté monétaire, tout comme le fisc ne prend en compte que les revenus monétaires.

    1. 3. D’où vient la richesse ? Et pourquoi n’est-elle pas également répartie ?

    « Qu'as-tu que tu n'aies reçu? »[34]

    Avant de s’interroger sur le besoin ou les modalités de la répartition des richesses, abordons préalablement la question de l’origine de la richesse.

    Toute richesse est créée par le travail. La richesse ne préexiste pas aux efforts productifs des hommes. Elle n’est pas le fruit d’une répartition arbitraire, d’un hasard aveugle, mais d’efforts et d’initiatives concrètes prises par des entrepreneurs, qui deviennent par leur travail les légitimes propriétaires des biens et services créés. Tous les travaux n’ayant pas la même utilité et la même désirabilité sociale, ils amènent à des créations de richesses différentes et inégalement réparties.

    La richesse n’est pas un acquis à perpétuité. Elle peut également, et facilement, être détruite. Conserver une richesse nécessite un véritable travail, d’autant plus difficile que la fiscalité est élevée.

    Aristote déjà avait compris l’importance de la propriété privée et la psychologie de la personne humaine, qui la pousse à prendre plus de soin de ce qui lui appartient en propre qu’à ce qui appartient à la communauté. Les biens publics, puisqu’ils ont l’apparence de la gratuité et que leurs coûts sont collectifs, encouragent des usages abusifs et les comportements de passagers clandestins. L’augmentation de la richesse ne peut pas se faire par des biens qui seraient essentiellement publics et collectifs.

    L’Eglise catholique défend sans aucune ambigüité le droit de propriété privée, identifié comme un droit naturel.[35] Avant même d’être inscrit dans le magistère par des papes ce principe est déjà implicitement présent dans les Dix Commandements. Le 8e commandement « Tu ne commettras pas de vol », ainsi que le 10e « Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain… », reconnaissent de fait un droit à la propriété privée. La Bible identifie ce qui m’appartient et ce qui appartient à l’autre. La propriété privée est reconnue comme nécessaire pour assurer l’existence de sa famille et pour garantir d’autres libertés individuelles comme la liberté d’opinion, d’expression ou la liberté religieuse. L’Eglise ne fait cependant pas de la propriété privée un absolu, car ce principe doit être vécu parallèlement au principe de destination universelle des biens, car la terre a été créée pour tous. Il est des cas, limités mais concrets, où l’urgence vitale permet de recourir à la propriété privée d’un autre.

    Une fois que le travail a permis la création de richesse, la répartition de celle-ci peut se faire de trois manières :

    1. 1. Le don. Il s’agit d’un transfert libre et sans contrepartie d’un titre de propriété d’un propriétaire vers un autre. Le don est un mode de répartition indispensable à la vie sociale, qui est pratiqué quotidiennement et à grande échelle. Au-delà de dons formels en numéraire, par exemple un virement bancaire à une association, le don est avant tout pratiqué en nature, dans le cadre familial ou amical. Faire la charité implique une propriété privée. Si le bon samaritain a pu venir en aide à l’homme laissé à moitié mort sur la route de Jéricho, c’est parce qu’il possédait une monture, de l’huile, du vin et de l’argent pour payer l’aubergiste.
    2. 2. L’échange. L’échange peut se faire directement, sous forme de troc d’un bien ou d’un service contre un autre. L’échange se fait généralement contre de la monnaie, qui sert d’intermédiaire aux échanges. Un échange est moral s’il est pratiqué entre propriétaires libres et responsables.
    3. 3. Le vol. Il apparait lorsqu’une personne ou un groupe de personnes s’accaparent la propriété d’autrui sans son consentement.

    Le libre échange est le meilleur moyen de répartir les richesses car il permet à chacun d’exprimer ce qu’il souhaite acquérir et ce qu’il souhaite vendre. Echanger permet de répondre à ses besoins et à ceux des autres, dans le respect du droit de propriété et de la liberté de chacun.

    L’échange, s’il est libre, est toujours créateur de richesses. Les personnes éprouvent le besoin d’échanger car nos productions, nos capacités et nos désirs sont différents, sans quoi il n’y aurait pas d’échange. C’est justement parce que nos richesses ne sont pas similaires, homogènes et immuables que nous échangeons.

    A la différence du don ou du vol, qui n’enrichissent que ceux qui les reçoivent, l’échange est toujours créateur de richesses nouvelles, pour les deux parties. Chaque partie estime subjectivement que sa situation après l’échange est préférable à sa situation avant l’échange, sans quoi l’échange n’aurait pas lieu. Contrairement à un préjugé marxiste, il n’y a pas un perdant et un gagnant dans un échange, mais deux gagnants, à condition que l’échange soit libre.

    L’impôt est à la frontière entre l’échange et le vol. L’impôt est payé en contrepartie de services publics, donc il a une caractéristique de l’échange. En revanche l’impôt est un prélèvement contraint et sur lequel un citoyen a peu ou pas de pouvoir concernant le montant ou le mode de calcul. En outre, même dans une démocratie, les citoyens n’ont qu’un pouvoir très indirect et limité sur les dépenses publiques et la manière dont elles sont gérées par les hommes de l’Etat. Un citoyen peut très bien être contraint de payer des impôts pour financer des dépenses dont il ne bénéficie pas, qu’il ne souhaite pas ou même qu’il réprouve moralement, par exemple devoir payer des impôts pour financer des recherches sur des embryons humains ou des subventions versées à des régimes dictatoriaux.

    1. 4. Pourquoi lutter contre les inégalités ?

    « Il ne s'agit point, pour soulager les autres, de vous réduire à la gêne; ce qu'il faut, c'est l'égalité. »[36]

    Nous avons vu dans une première partie que contrairement à des idées reçues, il n’y a pas de progression structurelle des inégalités, tout au contraire.

    La rhétorique marxiste, qui prévoyait un appauvrissement inéluctable et continuel de la classe prolétaire, jusqu’à une misère absolue, a été totalement démenti par les faits. Mais son esprit demeure, même 30 ans après la chute du mur de Berlin.

    En lisant dans le journal que Jean-Claude Mailly, alors Secrétaire général du Force Ouvrière, a perçu des revenus de plus de 100 000 euros par an et que son successeur accumulait 50 000 euros de notes de frais en une année, un ouvrier n’est-il pas tenté de s’insurger, le poing levé « Debout ! les damnés de la terre ! Debout ! les forçats de la faim ! » [37]

    Nous est-il déjà arrivé d’éprouver de la tristesse devant le bien d’autrui ou un désir immodéré de se l’approprier ? Si oui, c’est un vice capital. L’Eglise catholique l’appelle l’envie. Cette jalousie est exploitée à grande échelle dans la sphère politique. Elle mène les uns à utiliser la fiscalité pour vivre aux dépens des autres, en s’appropriant les richesses qu’ils ont légitimement créées.

    Le grand penseur français Alexis de Tocqueville avait identifié la passion pour l’égalité, comme le guide de la vie politique moderne, au dépend de la liberté.

    « La première et en quelque sorte la seule condition nécessaire pour arriver à centraliser la puissance publique dans une société démocratique est d’aimer l’égalité ou de le faire croire. Ainsi, la science du despotisme, si compliquée jadis, se simplifie : elle se réduit, pour ainsi dire, à un principe unique. »[38]

    Le paradoxe observé par Tocqueville est que plus les inégalités se réduisent dans une société, plus l’inégalité qui subsiste est ressentie comme socialement insupportable. Lutter contre les inégalités, au lieu de les éteindre, peut au contraire attiser les tensions sociales.

    Le pape saint Paul VI avait mis en garde envers les dangers d’une quête excessive d’égalité qui « peut donner lieu à un individualisme où chacun revendique ses droits, sans se vouloir responsable du bien commun ».[39]

    Un autre sociologue français, Raymond Boudon, a fait remarquer qu’en matière de revenu, il ne faut pas se concentrer sur le montant des différences au global, ou sur leur évolution, mais sur leur nature.

    Il s’agit de distinguer les inégalités fonctionnelles, issues de la liberté des personnes et de facteurs objectifs, des inégalités qui résultent de privilèges et de contraintes étatiques. Les inégalités fonctionnelles sont approuvées dans les enquêtes sociologiques car elles sont fondées sur des différences d’aptitudes, de conjoncture, de choix personnels et qu’elles sont mises au service de biens et services utiles à la société.

    Ainsi le bon sens conçoit qu’un chirurgien, ayant réussi un concours sélectif, ayant effectué 12 ans d’études, 15 ans de pratique, ayant de lourdes responsabilités, un travail stressant, des gardes la nuit et le week-end, puisse mieux gagner sa vie que la secrétaire de l’hôpital, qui a fait moins d’études, dont les compétences sont moins pointues et moins rares, qui a moins de stress, de responsabilités et des horaires de bureau plus prévisibles et plus confortables.

    De même, il est compréhensible qu’une personne soit mieux payée dans une région économiquement dynamique que dans région sinistrée. Un métier qui émerge offrira de meilleurs revenus qu’un métier en déclin. Une entreprise en croissance peut mieux rémunérer ses salariés qu’une entreprise en faillite. Tous ces cas impliquent des différences de revenus, sans que cela constitue des injustices réprouvées socialement.

    Il est des cas où les fonctions exercées sont non commensurables, si bien qu’il n’est pas possible de dire que les différences de rémunération qui en découlent sont injustes, c’est par exemple le cas entre un plombier et un artiste peintre.

    Certains revenus peuvent paraitre excessifs, c’est notamment le cas pour des célébrités du cinéma, de la musique ou du sport. Les 93 millions d’euros de revenus annuels estimés du footballeur Neymar peuvent paraître excessifs, mais ils ne sont pas injustes, car ils sont issus du libre marché. C’est parce que des personnes choisissent librement de payer 140€ pour le voir jouer au Parc des Princes ou pour acheter un maillot à son nom que Neymar peut toucher des revenus si conséquents.

    Il n’en est pas de même pour les privilèges, issus de rapports de force et de protections arbitraires accordées par les pouvoirs politiques, comme la retraite à 52 ans pour les cheminots, le maintien à un poste de Directeur général d’une entreprise publique pour un énarque, bien que l’entreprise accumule des milliards de dettes depuis des décennies ou bien les dîners de Noël et de la Saint Valentin d’un apparatchik à l’Hôtel de Lassay, payés avec les impôts prélevés aux contribuables.

    Il existe également des cas où une personne a le potentiel d’avoir des revenus monétaires confortables, mais choisit une carrière qui lui procurera moins de salaire mais des revenus non monétaires plus importants, par exemple Michel Aupetit qui a quitté son cabinet de médecin pour devenir prêtre, puis archevêque de Paris. Il a librement renoncé à des biens temporaires pour des biens spirituels. Les richesses qu’il apporte à la société sont d’une autre nature et échappent aux statistiques macroéconomiques du Ministère des Finances.

    Les différences de richesses, au lieu d’être vu à priori comme des injustices ou comme suspectes, devraient au contraire nous encourager à nous pencher sur leur nature et sur les motivations des individus.

    5. Faut-il recourir à l’impôt pour égaliser les revenus ?

    Le pape Léon XIII dans Rerum novarum défendait « un taux modéré et une répartition équitable des impôts ».[40]

    Une très grande disparité des richesses, notamment du fait de la médiatisation de certains milliardaires ayant accumulé en quelques années des fortunes considérables, peut ébranler la cohésion d’une société. Le pape Benoit XVI dans l’encyclique Caritas in veritate a souligné l’importance de limiter les inégalités pour garantir une cohésion sociale et la démocratie.

    « La dignité de la personne et les exigences de la justice demandent, aujourd’hui surtout, que les choix économiques ne fassent pas augmenter de façon excessive et moralement inacceptable les écarts de richesse et que l’on continue à se donner comme objectif prioritaire l’accès au travail ou son maintien, pour tous. Tout bien considéré, c’est ce que la « raison économique » exige aussi. L’accroissement systémique des inégalités entre les groupes sociaux à l’intérieur d’un même pays et entre les populations des différents pays, c’est-à-dire l’augmentation massive de la pauvreté au sens relatif, non seulement tend à saper la cohésion sociale et met ainsi en danger la démocratie, mais a aussi un impact négatif sur le plan économique à travers l’érosion progressive du « capital social », c’est-à-dire de cet ensemble de relations de confiance, de fiabilité, de respect des règles, indispensables à toute coexistence civile. »[41]

    La réduction des inégalités peut se faire de différentes manières.

    L’Eglise encourage l’existence de corps intermédiaires entre l’Etat et l’individu, de même que la subsidiarité, afin d’être au plus proche des besoins des personnes et d’être plus efficace et réactif dans les actions à mener. A cet égard, les dons sont largement pratiqués. D’après une étude de la Fondation de France les Français ont donné 7,5 milliards d'euros en 2015 à des organismes via des dons en numéraire, en nature ou via des legs.[42] Cette somme n’inclut pas le bénévolat et les dons entre personnes, qu’ils soient en numéraire ou en nature.

    L’économie libre amène inévitablement des activités économiques à croître pendant que d’autres déclinent. Ceci constitue une redistribution des richesses. Les faillites ne sont jamais souhaitées ni agréables à vivre, mais elles sont salutaires pour l’économie, elles permettent de transférer des moyens de productions depuis des entreprises qui gaspillent des richesses vers des entreprises qui en créent. L’évolution de l’économie et la concurrence font qu’aucune entreprise, ni aucune famille ne reste durablement la plus prospère.

    La redistribution des richesses se fait également par l’impôt et les dépenses publiques. Les partisans d’une redistribution massive des richesses souhaiteraient que l’Etat taxe les riches pour redistribuer une partie de leurs richesses à des personnes plus pauvres. Cette pratique se heurte inévitablement à trois obstacles majeurs.

    1. 1. Les revenus monétaires sont quantifiables, mais la satisfaction ne l’est pas. Il n’est pas possible de mesurer si une redistribution forcée des richesses augmente les satisfactions dans la société, si la satisfaction donnée aux bénéficiaires d’argent public est supérieure à la satisfaction dont les créateurs de richesses sont privés par l’impôt. En revanche il est certain qu’une fiscalité trop lourde réduit l’incitation à produire, donc la quantité totale de richesses créées et le niveau de vie moyen de la société.
    2.  
    3. 2. Toute richesse, pour être créée nécessite un travail, une prise de risques et des efforts. Si les richesses étaient redistribuées indépendamment des efforts productifs des personnes, qu’est-ce qui motiverait les entrepreneurs à prendre des risques, par nature inconfortables ? D’où viendraient les gains de productivité nécessaire à toute augmentation durable des niveaux de vie ? Une société a besoin d’avoir un système fiscal qui encourage la prise de risque des entrepreneurs, en leur laissant l’essentiel des profits qu’ils créent. Le Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise reconnaît l'esprit d'initiative comme la « base fondamentale de tout développement socio-économique ».[43]
    4.  
    5. 3. La redistribution, quand elle passe par l’Etat, implique que les sommes redistribuées soient nécessairement moins importantes que les sommes prélevées. L’Etat doit au passage payer ses 5,5 millions de fonctionnaires, qui représentent une masse salariale de 278 milliards d’euros, soit 13% du PIB.
    6.  

    Si tant est que la notion de paradis fiscal pour qualifier un Etat souverain ait un sens, ce n’est que pour mieux faire ressortir par contraste qu’il existe des enfers fiscaux. L’OCDE reconnait que la France est le pays le plus fiscalisé au monde avec des prélèvements obligatoires qui représentent 46% du PIB.[44] En additionnant d’autres recettes non comprises dans les impôts (amendes, redevance audiovisuelle…) c’est réellement la moitié de la richesse créée qui est accaparée chaque année par l’Etat.

    Les prélèvements obligatoires rapportent 1 038 milliard d’euros à l’Etat. L’ensemble des recettes publiques étaient de 1 233 milliards d’euros en 2017.[45] Ces recettes correspondent à 18 460 euros par Français par an, ou 1 540 euros par mois. L’ensemble des dépenses de protection sociale s’élèvent en France à 774,5 milliards d’euros en 2017, soit 34% du PIB.[46]Si la fiscalité avait pour objectif la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, on comprend mal comment il peut encore y avoir quelques 141 500 sans abris ou 3,8 millions de personne non ou très mal logés en France, d’après la Fondation Abbé Pierre.[47]

    La fiscalité française ne se justifie pas non plus par souci de compétitivité économique. Pour qu’un salarié ait 100 euros de pouvoir d’achat, net d’impôt et de cotisation, une entreprise doit payer 221 euros en France, contre 146 en Irlande et 183 dans la moyenne de l’UE. La lourde fiscalité en France engendre un double effet négatif : d’une part la pression fiscale décourage les personnes les plus productives et les mieux rémunérées à entreprendre et à produire plus, d’autre part les recettes fiscales importantes incite des citoyens à s’accaparer une partie de l’argent public sous forme de subventions, plutôt qu’à gagner leur vie en travaillant. Dans un pays qui n’a plus de frontière physique, un système fiscal confiscatoire, couplé à des aides sociales généreuses, encourage l’émigration des personnes à hauts revenus et l’immigration de personnes à faibles revenus ou sans aucun revenu, ce qui ne peut que ralentir la création de richesses et le niveau de vie moyen de la population.

    La fiscalité en France a atteint un tel niveau qu’elle enferme les gouvernements successifs dans un cercle vicieux. La croissance est faible et le chômage élevé. Ceci pousse les responsables politiques à « prendre les choses en main » en levant de nouveaux impôts pour financer de nouvelles dépenses publiques. A la surprise de nos dirigeants, une telle relance keynésienne laisse la croissance en berne et le chômage demeure un phénomène de masse. De nouveaux impôts sont alors levés… pour entretenir ce cercle vicieux. Combien de millions de pauvres, combien de millions de chômeurs, combien de millions d’allocataires de minima sociaux en plus faut-il pour que les responsables politiques sortent de ce cercle mortifère qui condamne les Français à une paupérisation inéluctable ?

    Le constat le plus préoccupant, c’est que la fiscalité en France est spoliatrice et remet en cause la notion même de propriété privée. Léon XIII nous avait prévenu : « Il ne faut pas que la propriété privée soit épuisée par un excès de charges et d'impôts. »[48] La taxe foncière, entre autres, qui taxe le simple fait d’être propriétaire, est particulièrement immorale car elle fait de l’Etat le véritable propriétaire, le « propriétaire d’apparence » n’ayant en réalité qu’un bail. Le « propriétaire d’apparence » dispose de l’usufruit du bien, mais la nue-propriété revient dans les faits à l’Etat, via la taxe foncière.

    De même l’impôt sur le revenu est moralement condamnable car il part du principe que tout revenu reviendrait par nature à l’Etat, celui-ci concédant d’en laisser une partie aux créateurs de revenus.

    Qu’est ce qui a conduit à une telle situation ?

    Il est évident que la fiscalité en France n’est pas utilisée en vue du bien commun, ni pour garantir une croissance économique ou des conditions de vie décentes à tous. Elle sert un autre but, qui est politique.

    Le danger permanent qui guète un système démocratique est de voir émerger des entrepreneurs électoraux qui utilisent la pression fiscale pour s’acheter des clientèles électorales. Les « riches » sont minoritaires, ils ont donc un faible poids électoral. Il est alors tentant de les taxer et de redistribuer leur argent, ou de promettre de le faire, à des groupes électoraux ciblés. C’est d’autant plus facile en France, à la différence d’un pays comme les Etats-Unis, car le soutien financier qu’il est possible d’apporter aux formations politiques et donc d’infléchir leurs programmes, est très limité. La démocratie est violemment détournée de son but si elle devient un instrument d’expropriation légale par lequel des responsables politiques s’achètent des majorités électorales. La démocratie ne peut pas être un simple système électoral en quête d’une majorité arithmétique ou un processus technique de répartition du pouvoir. Tout pouvoir politique perd sa raison d’être et sa légitimité s’il n’est pas animé par la recherche du bien commun.

    6. Perspectives pour demain

    L’option (ou amour) préférentielle pour les pauvres doit nous pousser à chercher un système qui profite aux pauvres. Améliorer le sort des pauvres, aussi bien matériellement que d’un point de vue social, passe par leur intégration sur le marché du travail. La progressivité de l’impôt sur le revenu et le poids des cotisations sociales sont à remettre en cause pour ne pas devenir des freins à l’embauche et des trappes à pauvreté.

    La création de richesse est préalable à ses modalités de redistributions. Toute activité économique comprenant des risques, il faut que le système fiscal favorise la prise d’initiatives, y compris pour les projets les plus risqués, qui sont aussi ceux qui peuvent être les plus lucratifs et les plus pourvoyeurs de gains de productivité.

    La hausse des niveaux de vie passe par des gains de productivité, c'est-à-dire le fait qu’une même quantité de travail humain permet de produire davantage de biens et services. Les gains de productivité nécessitent souvent une accumulation de capital. Ceci passe par un système fiscal qui ne taxe pas le capital, déjà taxé lors de sa création, ni les successions, qui sont une atteinte au droit de propriété en lui-même.

    Une piste à développer est la subsidiarité fiscale. Les dons aux associations d’intérêt général sont partiellement déductibles des impôts. Il serait bon d’élargir cette pratique pour d’autres services publique ou pour les aides internationales, qui ont coûté des dizaines milliards d’euros, pour des résultats improbables. Certaines aides sociales devraient être davantage traitées au niveau local, mieux à même d’évaluer les vrais besoins et de détecter les fraudes.

    La subsidiarité fiscale et un renforcement de la démocratie, le pouvoir du peuple, peuvent également passer par un fléchage des impôts. Pour une partie des dépenses publiques, une fois les fonctions régaliennes assurées, les contribuables pourraient être libres de choisir l’affectation de leurs impôts, y compris pour rembourser les dettes publiques. La démocratie fiscale peut également passer par des référendums, comme c’est le cas dans des cantons suisses.

    Pour garantir un filet de sécurité minimum et une cohésion sociale, il est possible d’envisager un impôt négatif. Les ménages dont les revenus sont supérieurs à un seuil à définir seraient imposables. Les ménages dont les revenus sont inférieurs à ce seuil obtiendraient des compensations, sans que ces compensations puissent décourager un travail rémunéré, afin que le travail soit toujours privilégié à l’assistance.

    La réponse à la question de la pauvreté et de la répartition des richesses ne peut pas uniquement être étatique et technique. Trop attendre de l’appareil étatique, c’est prendre le risque de renforcer des logiques bureaucratiques, déjà pléthoriques et à l’efficacité limitée. Les réponses viendront davantage d’initiatives personnelles que de décisions gouvernementales. Elles reposent plus sur un changement de morale personnelle et collective, que sur un changement de majorité parlementaire ou une énième modification Code général des impôts.

    En s’adressant à Philémon, saint Paul n’abuse pas de son statut ou de son autorité. Il n’use pas de la force et de la contrainte. « Certes, j’ai dans le Christ toute liberté de parole pour te prescrire ce qu’il faut faire, mais je préfère t’adresser une demande au nom de la charité. » [49]

    C’est en s’adressant à la conscience de Philémon et à sa liberté qu’il lui propose de recevoir Onésime comme un frère. « Mais je n’ai rien voulu faire sans ton accord, pour que tu accomplisses ce qui est bien, non par contrainte mais volontiers. »[50]

    Le même saint Paul a écrit une lettre aux Théssaloniciens, il y a 20 siècles, qu’il souhaite peut être partager aux responsables politiques contemporains :

    « Or nous entendons dire qu'il en est parmi vous qui mènent une vie désordonnée, ne travaillant pas du tout mais se mêlant de tout. Ceux-là, nous les invitons et engageons dans le Seigneur Jésus Christ à travailler dans le calme et à manger le pain qu'ils auront eux-mêmes gagné. »[51]


    [1] Jc, 5, 1-5

    [2] 2 Th, 3, 10

    [3] Lc 16, 19-31

    [4] Ex, 3, 8

    [5] Jean-Paul II, Encyclique Gaudium et spes, 26, 1

    [6] Jean-Paul II, Encyclique Sollicitudo rei socialis, 38

     

    [7] Is 49, 13

    [8] https://data.worldbank.org

    https://ourworldindata.org/world-population-growth

     

    [9] 

    United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2017). World Population Prospects: The 2017 Revision, DVD Edition.

    https://esa.un.org/unpd/wpp/Download/Standard/Population/

    https://ourworldindata.org/child-mortality

     

    [10] https://data.worldbank.org

     

    [11] https://data.worldbank.org/indicator/EN.POP.SLUM.UR.ZS?view=chart

    [12] https://data.worldbank.org/indicator/SP.DYN.LE00.IN?view=chart

    [13] « Fortunately, income inequality has been reduced both between and within countries. » https://www.un.org/sustainabledevelopment/inequality/

    [14] https://www.insee.fr/fr/statistiques/2491918

    [15] https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/tessi190/default/line?lang=fr

    [16] Insee Références, édition 2018, Inégalités de niveau de vie et pauvreté en 2015 et sur longue période, Julien Blasco, Julie Labarthe

    [17] Insee, Les revenus et le patrimoine des ménages, Edition 2018

    [18] https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_2000_num_51_1_410499

     

    [19] Jn 12, 8

    [20] https://insee.fr/fr/statistiques/3623841 et https://insee.fr/fr/statistiques/2499760 Notons cependant que le taux de pauvreté calculé par l’INSEE ne mesure par une pauvreté absolue, mais relative, par rapport au revenu médian. Ce « taux de pauvreté » est en fait un indicateur de dispersion des richesses.

    [21] https://insee.fr/fr/statistiques/3650242?sommaire=3650460&q=pauvret%C3%A9

    [22] https://insee.fr/fr/statistiques/2412847#tableau-figure1

    [23] https://statistiques.pole-emploi.org/stmt/publication. Données du 2e trimestre 2019.

    [24] En 2017, le nombre d’allocataires de minima sociaux se stabilise, après avoir baissé en 2016, Etudes et Résultats, DREES, mars 2019

    [25] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/etudes-et-resultats/article/en-2017-des-adolescents-plutot-en-meilleure-sante-physique-mais-plus-souvent-en

    [26] Précarité énergétique : comment mesurer la sensation de froid ?, Etudes et Résultats, DREES, février 2018

    [27] Près d’un ménage sur quatre vit dans un logement présentant au moins un défaut de qualité, Etudes et Résultats, DREES, mai 2018

    [28] http://www.anlci.gouv.fr

    [29] https://pisadataexplorer.oecd.org/ide/idepisa/. Test PISA de 2015.

    [30] https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/IT.NET.USER.ZS

    [31] https://www.monreseaumobile.fr/

    [32] https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/mariages-divorces-pacs/divorces/

    [33] Insee, Division des enquêtes et études démographiques

    [34] 1 Co 4, 7

    [35] Rerum novarum, 5

    [36] 2 Cor, 8, 13

    [37] https://www.lejdd.fr/Societe/force-ouvriere-hotels-billets-davions-loyers-le-train-de-vie-tres-depensier-des-cadres-du-syndicat-3798797

    [38] Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3

    [39] Paul VI, Lettre apostolique Octogesima adveniens, 23

    [40] Léon XIII écrivait ces lignes en 1981, les prélèvement obligatoires étaient alors d’environ 10% du PIB.

    [41] Caritas in veritate, 32

    [42] http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/03/19/20002-20180319ARTFIG00122-dons-les-francais-ont-donne-plus-de-7-milliards-d-euros.php

    [43] Compendium de la Doctrine Sociale de l’Eglise, 449

    [44] https://read.oecd-ilibrary.org/taxation/statistiques-des-recettes-publiques-2018/total-des-recettes-fiscales-en-du-pib_rev_stats-2018-table25-fr#page1

     

    [45] http://www.assemblee-nationale.fr/15/rapports/r1302-ti.asp#P6009_350697

    [46] Rapport La protection sociale en France et en Europe en 2017. DREES

    [47] https://www.fondation-abbe-pierre.fr/nos-publicationsetat-du-mal-logement/les-infographies-du-logement

    [48] Rerum novarum

    [49] Phm 8-9

    [50] Phm 14

    [51] 2 Th 3, 11-12

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    Etienne Chaumeton studied economics and political science in Grenoble, France. He is a market research manager in an international company. He is a member of the Association des économistes catholiques.